L'autonomie des employés sera le prochain défi pour de nombreuses entreprises. Des doutes et des appréhensions peuvent se manifester lorsqu’une entreprise considère accorder cette liberté. Et, c'est compréhensible !
Les dirigeants peuvent s'inquiéter et penser au pire des scénarios : que se passera-t-il si les employés gaspillent du temps durant leurs heures de travail et n’offrent plus le même rendement ? Alors qu'ils devraient plutôt penser : « Ce nouveau modèle pourrait donner aux employés un sentiment de bonheur et de satisfaction, les incitant à travailler plus fort pour l’entreprise. »
Dans son livre Work Rules, Lazlo Bock, l'ancien chef des opérations et du personnel chez Google, évoque cette idée. Il suggère « d’offrir un peu plus de confiance, de liberté et de pouvoir aux individus, plus que ce que vous êtes à l'aise de leur donner habituellement. Si cela ne vous rend pas anxieux, c'est que vous ne leur en avez pas assez accordé. »
Bock croit beaucoup à la responsabilisation et à l'autonomie des employés. D'après son expérience, cela ne mène jamais au chaos total ou à l'anarchie, comme le craignent certains dirigeants.
Il affirme que, lorsque vous donnez aux employés la latitude nécessaire pour leur permettre de donner le meilleur d'eux-mêmes, « vous serez stupéfait de ce qu'ils peuvent accomplir ». Mais, malheureusement, de nombreux dirigeants ne vont pas au-delà de leur anxiété et de l'inconfort immanent. En outre, il existe de nombreuses fausses idées sur l'autonomie des employés.
Ces mythes engendrent beaucoup plus de réticence chez les dirigeants. À son tour, cette incertitude empêche les entreprises d'adopter des modèles de travail flexibles. Ces modèles pourraient pourtant avoir un impact considérable sur l'engagement et la fidélisation des employés.
Nous comprenons qu'adopter une nouvelle méthode de travail peut être éprouvant. Et, il n'est pas rare de rencontrer une certaine résistance.
Cet article vise à aider votre organisation à dépasser le scepticisme en commençant par dissiper certaines idées fausses sur l'autonomie.
Nous examinerons ensuite les cinq dimensions de l'autonomie et proposerons différentes façons pour les entreprises de promouvoir une plus grande liberté chez les employés. Vous serez surpris de voir que cela peut aller bien au-delà de la simple proposition d'horaires flexibles ! Et même les travailleurs par quarts peuvent en bénéficier.
Enfin, nous vous donnerons des exemples concrets sur la manière dont une entreprise peut appliquer les principes qui engendrent une plus grande autonomie chez les employés. En conclusion, vous aurez des idées pratiques que vous pourrez mettre en œuvre au sein de votre organisation.
L'autonomie au travail est presque une contradiction en soi. Notre perception du travail est que ceci doit se dérouler à des heures fixes, dans un lieu particulier, et les employés doivent accomplir des tâches spécifiques. Ce n'est pas pour rien que de nombreuses personnes ont du mal à adopter des modèles de travail autonomes : ce n'est pas comme ça que le système est censé fonctionner ! N'est-ce pas ?
Bon nombre de ces croyances rigides en matière de travail sont des vestiges de l'ère industrielle. Les emplois d'aujourd'hui sont très différents des emplois en usine. De plus, bon nombre de ces modèles de l'ère industrielle peuvent nuire à la santé et au bonheur des employés à long terme. Prenons quelques minutes pour démystifier certains de ces mythes.
De nombreux dirigeants croient à tort que l'autonomie est une stratégie de tout noir ou tout blanc. Soit vous donnez aux gens une autonomie totale, soit vous faites les choses de manières traditionnelles et structurées - il n'y a pas de « zone grise » ou d'entre-deux.
Ce mythe est loin d'être vrai : construire une culture favorisant l'autonomie prend du temps. Par exemple, les entreprises qui gèrent des équipes à distance ou des ROWE (environnements de travail axés sur les résultats) ne l'ont pas fait du jour au lendemain. Bien au contraire, nombre d'entre elles y sont allées doucement. En d'autres termes, il est possible de faire des petits pas vers plus d'autonomie. L'adoption d’un modèle à petits pas pour avancer vers une structure de travail plus flexible peut en fait contribuer à apaiser les craintes des dirigeants et aider les travailleurs à s'adapter aux nouveaux changements et aux nouvelles attentes.
La notion de « liberté chez les employés » peut susciter les plus grandes craintes parmi certains dirigeants - des employés qui se relâchent, qui profitent du temps de l'entreprise et qui ne produisent pas de résultats. Nombreux sont ceux qui essaient d'éviter cela, en renforçant le contraire de l'autonomie : soit le contrôle. Mais trop de contrôle de haut en bas, peut produire de nombreux effets secondaires néfastes sur la psychologie des employés.
Mais ce que certains dirigeants ne réalisent peut-être pas, c'est que les équipes autonomes sont en fait très organisées et systématiques. En effet, lorsque vous donnez aux employés la liberté de décider comment et quand le travail est effectué, chacun doit être hyper responsable des résultats. Comme le dit le chercheur en milieu organisationnel Michael Mankins dans cet article du HBR, « un contrepoids essentiel à l'autonomie est la stricte responsabilité des résultats, et des actions et comportements qui permettent d'obtenir ces résultats ».
Donner plus d'autonomie aux employés est une excellente idée, mais elle est réservée aux techniciens et aux créatifs. Cette croyance semble être profondément ancrée.
Bien sûr, les travailleurs par quarts ou de production ne peuvent pas travailler à domicile et doivent se présenter à leur poste. Mais, il existe de nombreuses autres façons pour les entreprises de donner plus de liberté et d'autonomie à leurs employés lorsqu'ils sont sur place. Vous en saurez plus sur ces idées dans la section suivante !
De nombreuses personnes pensent que l'autonomie des employés est le contraire du contrôle. Par conséquent, ils supposent qu’accorder de l'autonomie aux employés entraînera un manque de sécurité et de soutien de la part des gestionnaires.
Mais en réalité, c'est le contraire qui est vrai. Même dans les équipes très autonomes, les gestionnaires jouent un rôle essentiel. Le rôle d'un gestionnaire dans un environnement autonome est d'être un mentor, contrairement à faire de la délégation de tâches et à superviser des opérations quotidiennes. Il doit plutôt être un coach et un pourvoyeur de soutien continu pour son équipe.
Cette section met le focus sur les différentes facettes de l'autonomie et sur la manière dont votre entreprise peut accorder plus d'autonomie à ses employés dans chaque aspect de leur travail.
Comme vous pourrez le constater, chacune d'entre elles est unique et mieux adaptée à des environnements de travail ou des secteurs d'activité spécifiques. Réfléchissez à la composante de l'autonomie qui conviendrait le mieux à votre organisation et à vos employés.
Les entreprises peuvent permettre aux employés de choisir d'être présents ou non au bureau. La pandémie de 2020 a accéléré cette notion de lieu de travail physique comme étant une option. Même si les travailleurs disposaient de la technologie pour travailler à distance depuis plus d'une décennie, de nombreuses entreprises étaient réticentes face au travail à distance. Naturellement, elles craignaient de ne pas être en mesure de superviser les employés. Mais aujourd'hui, les employés font pression pour obtenir cet avantage de pouvoir travailler à distance. De nombreuses entreprises devront considérer cela comme une tactique de premier ordre pour donner plus d'autonomie aux employés.
Différents degrés de liberté : à une extrémité du spectre, donner beaucoup d'autonomie aux employés à ce niveau, signifierait leur permettre de travailler d'où ils veulent, pas seulement dans leur ville mais dans le monde entier. À l'autre extrémité, les entreprises qui accordent peu d'autonomie aux employés à ce niveau, imposent aux employés d'être présents au bureau cinq jours par semaine.
Traditionnellement, les emplois de bureau fonctionnent selon un horaire de 9 à 5, avec une semaine de 40 heures. Et pour les travailleurs essentiels comme ceux de la santé, le travail par quarts reste la norme. Donner aux employés la liberté de gérer leurs horaires de travail est une idée nouvelle. De nombreuses entreprises hésitent à s'affranchir des modèles traditionnels. Pourtant, proposer des horaires flexibles peut être un moyen efficace de favoriser l'engagement et la fidélisation des employés.
Différents degrés de liberté : accorder aux employés une liberté totale à ce niveau, reviendrait à abolir les horaires fixes. Ainsi, les employés choisissent quand attaquer leur travail et ne sont responsables que des résultats. On parle aussi de ROWE (environnement de travail axé sur les résultats). À l'inverse, accorder peu d'autonomie aux employés à ce niveau, reviendrait à imposer un horaire rigide et à exiger un nombre minimum d'heures par semaine.
Traditionnellement, les entreprises donnaient aux travailleurs un ensemble de tâches et d'objectifs à remplir. En bref, les gens sont embauchés pour remplir une description de poste prédéterminée. Mais il est de plus en plus courant pour les organisations de trouver des personnes talentueuses et de créer lentement des emplois autour de ces personnes. Ou, à tout le moins, en permettant aux employés de participer à la discussion et de façonner leurs responsabilités.
Différents degrés de liberté : accorder beaucoup de liberté à ce niveau, permettrait aux employés d'avoir un contrôle total sur leurs tâches et leurs objectifs. À l'inverse, accorder peu de liberté à ce niveau revient à dicter à l'employé sur quoi il doit travailler, sans tenir compte de ses préférences ou de ses opinions.
Nous entrons maintenant dans les détails. Le « comment » de l'autonomie signifie donner aux employés la liberté du processus, en bref, leur donner la liberté d'expérimenter et de jouer avec différentes façons d'aborder une nouvelle tâche ou un nouveau problème. Il peut aussi s'agir de prendre simplement le temps de recueillir les commentaires des employés avant de mettre en œuvre un changement - ce qui permet aux employés d'exercer leurs connaissances et leur expertise.
Différents degrés de liberté : accorder une grande liberté, signifie donner aux employés une autonomie totale pour décider de la manière d'atteindre un objectif, avec peu d'instructions ou de directives. En revanche, accorder une liberté limitée sur le processus, signifie donner des instructions aux employés sur la manière exacte de procéder.
Ce facteur est un aspect souvent négligé de l'autonomie. La plupart des entreprises ont une mission d'entreprise, un « pourquoi » à long terme qui maintient la motivation des employés. Vous avez peut-être une mission inspirante, mais il est probable que chaque employé a aussi son propre pourquoi. Qu'est-ce qui les motive ? Faire un effort pour que les employés restent connectés à leur « pourquoi » peut être une excellente technique pour les motiver.
Différents degrés de liberté : une entreprise qui offre beaucoup de liberté à ce niveau essaiera de connaître les employés personnellement et de leur rappeler leur « pourquoi » personnel. D'un autre côté, une entreprise offrant peu d'autonomie dans ce domaine peut ressembler à une entreprise qui impose sa mission à ses employés sans laisser de place aux motivations uniques de ces derniers.
Maintenant que vous comprenez les principaux éléments constitutifs de l'autonomie et les différents degrés, proposons quelques exemples concrets. Ainsi, vous disposerez de tactiques concrètes dont vous pourrez tirer parti et éventuellement appliquer dans votre entreprise.
Cette idée s'applique à l'emplacement physique du travail, en permettant aux employés de choisir où ils travaillent. Une étude récente menée auprès de plus de 5 000 travailleurs du savoir dans le monde entier a révélé que 77 % d'entre eux préféreraient travailler pour une entreprise qui leur offre la possibilité de travailler à distance.
L'idée de l’option de travailler à distance n'est plus considérée comme un privilège; de nombreux travailleurs du savoir croient l’obtenir par défaut. Par exemple, de nombreuses entreprises proposent un modèle hybride. Les employés sont encouragés à travailler là où ils obtiennent les meilleurs résultats.
Certaines personnes ont plus d'énergie le matin, tandis que d'autres en ont plus le soir. Pour de nombreux travailleurs du savoir, l'idée de suivre un horaire comme étant un signe de performance devient obsolète.
Comme le dit l'auteur Mark Dent dans son récent article intitulé to reinvent work, we have to destroy the clock, qui signifie littéralement « Pour réinventer le travail, il faut détruire l'horloge ». Ainsi, des heures plus longues ne signifient pas une meilleure performance. Plusieurs études portant sur des entreprises qui ont mis en œuvre cette méthode, comme Best Buy au milieu des années 2000, ont démontré que le fait de se concentrer sur les performances des employés au fil du temps a un effet profond sur la psychologie humaine et, par conséquent, sur l'engagement et le moral des employés.
Steve Jobs l'a bien dit dans sa célèbre citation : « il est absurde d'engager des personnes intelligentes et de leur dire ensuite ce qu'elles doivent faire; nous engageons des personnes intelligentes pour qu'elles nous disent ce que nous devons faire ». Aller au travail et se faire dire exactement ce qu'il faut faire est parfois une réalité du travail. Mais cela ne doit pas toujours être le cas. Donner aux employés du temps pour travailler sur des projets passionnels (liés à leur travail) ou leur donner la parole sur leurs objectifs peut être un moyen puissant de stimuler la motivation.
Cette tactique est un outil puissant dans l'arsenal du gestionnaire. Permettre aux employés de donner leur avis et de faire des recommandations sur la base de leur expérience donne un sentiment de maîtrise et de confiance. Par exemple, cette tactique peut avoir un impact profond sur le bonheur et l'engagement des employés pour les emplois qui ne peuvent pas être aussi flexibles en ce qui concerne le « où » et le « quand » le travail est effectué, comme les travailleurs manufacturiers, le service à la clientèle ou le travail dans le commerce de détail.
La recherche organisationnelle soutient cette idée. Par exemple, en 1950, le psychologue Alfred Marrow a mené une expérience fascinante à l'usine de vêtements Harwood. Il voulait tester la meilleure façon d'amener les ouvriers à accepter le changement, et a donc conçu une expérience astucieuse.
Voici l’expérience qu’il a conçue : on a demandé aux ouvriers d'adopter un nouveau processus, mais les ouvriers ont été divisés en plusieurs groupes différents et on leur a donné différents degrés de contrôle sur le nouveau processus.
Les résultats ont été étonnants.
Ceux qui ont été forcés de faire des changements (sans qu'on leur demande leur avis ou leurs recommandations) ont le plus souffert. Les plaintes ont été plus nombreuses et leur productivité a chuté de 20 % sans jamais se rétablir. Ceux à qui on a demandé de participer au changement ont connu des résultats différents, leur productivité a d'abord chuté à mesure qu'ils devaient s’adapter au nouveau processus. Malgré tout, elle s'est rétablie et a dépassé les taux précédents de 15 %.
Il est très stimulant d'expérimenter de nouvelles façons de faire les choses. Le revers de la médaille, c'est qu'on nous dit exactement ce qu'il faut faire et comment le faire, en donnant aux employés le moins de pouvoir possible.
Il est évident qu'un contrôle strict du haut vers le bas peut être déshumanisant et démotivant. Offrir aux employés un espace pour explorer de nouvelles approches peut avoir un impact profond sur la motivation.
Il est également faux de croire que les entreprises ne peuvent appliquer cette tactique qu'aux travailleurs en hautes technologies ou créatifs. Même les travailleurs essentiels, comme les travailleurs de service, peuvent être encouragés à expérimenter ou à innover.
Imaginez un entraîneur sportif donnant un discours d'encouragement à un joueur en plein match. Quelle serait la chose la plus motivante à dire : « souviens-toi, tu le fais pour l'argent » ou « fais-le pour ton père ou tes enfants ».
Faire quelque chose en l'honneur de vos parents décédés ou simplement pour la joie de poursuivre sa progression, se nomme la motivation intrinsèque. Exploiter la motivation intrinsèque est une technique de coaching efficace qui consiste à rappeler régulièrement aux employés de se concentrer sur leurs propres objectifs afin de susciter un sentiment d'autonomie et d'utilité au travail.
Le Dr Christina Maslach, de l'université de Californie, est une spécialiste du syndrome de l'épuisement professionnel. Dans ses recherches, elle cite le « contrôle » ou le manque de contrôle comme un facteur clé de l'épuisement professionnel.
Il n'est pas étonnant que les secteurs qui offrent moins de flexibilité, comme le domaine du service et les soins de santé, présentent des taux plus élevés d'épuisement professionnel.
À cette fin, nous devons aborder l'autonomie des employés, non pas en accordant une liberté totale et en laissant les employés faire ce qui leur plaît. Il s'agit plutôt de faire un effort pour donner aux employés différents niveaux de contrôle sur le lieu, l’horaire, l’objectif, le processus et le pourquoi du travail.
Souvent, les plus grands obstacles au changement n'ont rien à voir avec des raisons financières, mais ils sont plutôt ancrés dans une résistance psychologique aux changements reliés aux méthodes de travail.
Dans le cas présent, certains dirigeants craignent les conséquences négatives de l'autonomie des employés. Ils craignent peut-être que le travail ne soit pas fait, ou que les gens profitent du temps payé par l'entreprise.
Mais le travail intellectuel diffère grandement du travail physique effectué dans une usine. Il est peut-être temps d'abandonner certains de ces modèles archaïques de l'ère industrielle. Traiter les travailleurs du savoir comme des machines est préjudiciable à la psychologie humaine et à l'engagement des employés.
Les entreprises doivent s'adapter. Elles peuvent commencer par donner aux employés plus de contrôle sur leur travail et plus de liberté sur le processus. Les dirigeants seront surpris de l'impact considérable que cette stratégie simple et rentable peut avoir sur la satisfaction de leurs employés et, par conséquent, sur les performances de leur entreprise.