On considère généralement que la culture d'une entreprise est statique, comme une maison qu'il faut construire. Plus précisément, les responsables RH sont chargés de créer cette grande maison. L'objectif est simple : attirer les candidats et conserver les employés actuels.
Sur papier, cette approche semble raisonnable, et même inspirante.
Pourtant, cette stratégie néglige une réalité importante, la main-d'œuvre est constituée d’individus avec des valeurs, des croyances et des profils différents.
Tout être qui vit et qui respire est un élément indissociable de la culture organisationnelle. Par conséquent, la culture d’une entreprise est infiniment dynamique et fluide. En bref, elle est organique.
Cette réalité nous amène à nous poser la question suivante : Peut-on construire une culture d'entreprise distincte en imposant des mesures ?
De nombreuses entreprises bien intentionnées y consacrent de grands efforts. Leurs efforts prennent généralement la forme d'un énoncé de mission ou de valeurs fondamentales inscrites dans un document.
Documenter les valeurs fondamentales est un bon point de départ. Mais si c'était la solution ultime pour créer une culture d'entreprise, il n'y aurait pas autant de chefs d'entreprise insatisfaits de l'état de leur culture. Ou tant de professionnels à la recherche de pâturages plus verts.
Dans cet article nous allons explorer certaines stratégies bien connues pour créer une culture d'entreprise. Nous examinerons pourquoi certaines échouent, en nous appuyant sur des avis d'experts, des recherches, et surtout, sur des exemples réels d’entreprises qui ont réussi (et échoué) à créer une culture positive et bien enracinée.
Vous avez probablement entendu parler de lieux de travail dotés de bureaux impressionnants, d'avantages sociaux et d'événements extravagants. Mais, malgré ces caractéristiques attrayantes, la culture d'entreprise y est toxique; les employés sont épuisés et désengagés de façon chronique.
Pourquoi cela se produit-il ?
En établissant les valeurs fondamentales de votre entreprise, vous êtes sur la bonne voie. La seule mise en garde ici est que les valeurs fondamentales ne tiennent pas compte des nombreux facteurs (visibles et invisibles) qui influencent le comportement humain.
En bref, d'où viennent les valeurs en premier lieu ?
Nous allons maintenant vous présenter les différents niveaux de la culture d’une entreprise et étudier le travail du psychologue organisationnel Edgar Schein.
Sa théorie a rendu populaire une nouvelle façon d'aborder la culture organisationnelle. Elle est souvent représentée sous la forme d’un iceberg, car seule la partie supérieure est visible et tangible dans le monde réel.
Pour Schein, la culture organisationnelle n'est pas modelée par le niveau des artefacts, soit par les éléments les plus visibles d'une entreprise. Elle n'est pas non plus façonnée par les valeurs. Au contraire, la culture est le produit de ce qui existe sous la couche inférieure - les hypothèses tacites de base.
Il peut être difficile de saisir cette théorie car les hypothèses tacites sont implicites; elles opèrent au niveau de l’inconscient. Cependant, elles exercent une influence considérable sur nos actions, nos pratiques professionnelles et notre culture.
À titre d'exemple, l'histoire de la crise culturelle d'Uber illustre parfaitement comment des hypothèses non vérifiées peuvent conduire la culture dans une impasse.
La culture organisationnelle d'Uber a fait l'objet d'un examen approfondi en 2017. L’entreprise a été accusée d'actions offensantes envers les chauffeurs, d'inconduite sexuelle et d'autres rapports faisant état d'une culture de travail toxique qui encourage les comportements néfastes.
Uber avait documenté ses valeurs fondamentales pour inspirer les nouvelles recrues et motiver les employés en poste. Comment une entreprise aussi soucieuse de développer sa culture a-t-elle pu laisser des employés avoir des comportements aussi déplacés ?
Cette histoire démontre les limitations reliées aux valeurs fondamentales comme stratégie de développement de la culture. Elle témoigne également du danger de permettre des comportements abusifs ou d'exclusions dès le départ. Une fois que les habitudes sont établies, il est difficile pour les dirigeants de les corriger.
La crise d'Uber illustre ce qui définit la culture organisationnelle - ce ne sont pas les valeurs fondamentales, ni le succès d'une entreprise - c'est la façon dont les gens se comportent les uns envers les autres.
À cette fin, l'établissement des valeurs fondamentales constitue une seule étape dans une stratégie globale de développement de la culture.
Pour que les valeurs fondamentales inspirent des actions positives, elles doivent avoir de la substance et une pensée véritable derrière elles.
À ce titre, les dirigeants doivent aller plus loin et remettre en question les hypothèses qui sous-tendent les valeurs fondamentales. En d'autres termes, les cultures fortes se développent en remettant en question le statu quo.
Un exercice utile pour identifier les hypothèses consiste à se poser la question suivante : les valeurs de l’entreprise sur papier et les actions extérieures sont-elles en accord ? Par exemple, si les croyances fondamentales de votre entreprise font de la « reconnaissance » une valeur, mais qu'aucun programme n'est mis en place pour soutenir la reconnaissance à un niveau systémique. Alors, demandez-vous sur quelles hypothèses, les dirigeants se basent-ils pour aboutir à un tel décalage ?
L’entreprise Atari est un excellent exemple du succès que peut apporter cette stratégie lorsqu'elle est appliquée correctement. Dans les années 1970, les dirigeants de l'entreprise étaient désireux d'attirer des candidats talentueux. Ils ont donc commencé à remettre en question les croyances conventionnelles qui dominaient à l'époque.
Par exemple, au lieu d'être limités au code vestimentaire standard de l'entreprise et à un horaire de 9 à 5, ils ont décidé que les programmeurs pourraient s’habiller comme ils le voulaient et faire leurs propres horaires - la performance était dorénavant basée sur le rendement.
Les valeurs chez Atari n’étaient pas inscrites formellement, il s’agissait simplement d’une philosophie de travail originale qui partait du sommet et imprégnait les pratiques de l'entreprise de manière réelle. Atari a rapidement attiré une foule de candidats qui partageaient ses convictions. L’entreprise s'est développée pour devenir l'entreprise technologique la plus en vue de la Silicon Valley. Aujourd'hui, Atari est toujours considérée comme une pionnière influente de la culture des « start-up ».
La culture d'entreprise est dynamique. Cependant, lorsqu'elle est traitée comme un concept unidimensionnel, comme une maison que les RH sont chargées de construire, des tactiques comme celles-ci commencent à être considérées.
L'idée est simple : apportez un changement positif aux parties les plus visibles de l'entreprise. Par exemple, en offrant de la nourriture gratuite et des aménagements amusants, vous serez sur la bonne voie de la création d'une culture d'entreprise florissante.
Malheureusement, construire une culture dynamique n'est pas aussi facile que de faire des changements superficiels. Si c'était le cas, changer qui vous êtes en tant que personne serait aussi simple que de porter des vêtements différents. Vos nouveaux vêtements seraient peut-être plus beaux et vous donneraient un petit coup de fouet. Mais sous cet air extérieur flamboyant et neuf, vous seriez fondamentalement la même personne.
La même idée s'applique aux entreprises.
Si des en-cas gratuits et une salle de jeux contribuent à créer un emballage attrayant qui renforce la perception générale de l'entreprise et améliore le moral des employés, ils ne sont pas suffisants pour construire une culture influente et durable.
Les avantages complémentaires peuvent être excitants pour le personnel au début, mais comme la plupart des objets matériels, ils deviennent la proie de l'hédonisme.
En bref, ils perdent leur originalité et deviennent, avec le temps, partie intégrante de l'environnement de travail.
Les collations et les salles de jeux sont des outils qui contribuent à attirer les candidats et à créer une atmosphère amusante et dynamique. Mais ils ne doivent pas être considérés comme une panacée pour tous les problèmes culturels. En d'autres termes, les avantages sont une bonne chose, mais ils ne sont qu'une pièce du casse-tête culturel.
Les responsables RH doivent disposer d'outils et de ressources pour donner la priorité aux avantages et aux bénéfices basés sur l'expérience. Voici quelques exemples populaires :
Les avantages intangibles ont des effets durables sur la santé mentale et le bien-être des employés. Ces avantages suggèrent aux employés que l'entreprise soutient activement leur sentiment de sécurité, leur croissance et leur bien-être général.
En bref : les avantages basés sur l'expérience ont de la substance.
Plus important encore, ils sont une véritable extension des valeurs fondamentales comme la transparence, l'apprentissage, l'autonomie et le bien-être.
En fin de compte, les RH doivent travailler stratégiquement avec les décideurs pour s'assurer que chaque décision corporative importante est en phase avec ses objectifs culturels et ses valeurs.
Si une culture d'entreprise forte ne repose pas sur des valeurs fondamentales ou des avantages extravagants, elle doit être fondée sur le recrutement des bonnes personnes, n'est-ce pas ?
D'une part, la recherche en psychologie suggère que lorsque les valeurs des personnes sont plus en phase avec celles de leur organisation, ces personnes sont plus engagées, plus satisfaites et moins enclines à quitter leur emploi.
Mais lorsque les recruteurs et les gestionnaires comprennent mal le concept d'adéquation culturelle, ils ont tendance à embaucher des employés qui se comportent de la même manière et se ressemblent tous. En bref, le recrutement en fonction de la « culture d'entreprise » est une stratégie de développement qui peut échouer.
Des articles comme celui-ci, publié dans le Wall Street Journal, sont parmi les nombreux articles qui mettent en garde les recruteurs contre les dangers de l'embauche basée sur l'adéquation culturelle.
L'auteur prévient que l'effort d'embauche en fonction de l'adéquation culturelle peut « facilement dériver vers un fossé où les nouvelles recrues se ressemblent toutes, pensent et agissent de la même manière ».
En d'autres termes, le concept de compatibilité culturelle perpétue un parti pris en faveur de la sélection des candidats en fonction de l'âge, du sexe, du niveau d'éducation, de culture ou de carrière similaires.
Chez Facebook, il est même interdit aux équipes de recrutement d'utiliser l'expression « culture fit ». Au lieu de cela, elles doivent donner des informations précises sur ce qu'elles ont apprécié, ou non, chez un candidat. L'idée d'utiliser « un manque de compatibilité culturelle » comme un critère d’élimination courant n'est plus autorisée.
Les études montrent que les candidats dont les valeurs correspondent à celles de votre entreprise obtiennent de meilleurs résultats. Comment les responsables de l'embauche peuvent-ils évaluer le système de valeurs d'un candidat sans parti pris ?
L'auteur de l'article du WSJ affirme : La mauvaise façon d'aborder l'adéquation culturelle est de se demander : « Est-ce que j'irais prendre une bière avec cette personne ? »
L'objectif devrait plutôt être de poser des questions qui permettent d'évaluer le système de valeurs d'un candidat, plutôt que de prendre des décisions en fonction de son sexe, de son âge, de son origine ethnique ou de son orientation sexuelle.
Pour évaluer les valeurs professionnelles d'un candidat, les responsables de l'embauche devraient se poser les questions suivantes :
Voici quelques exemples de questions d'entrevue spécifiques destinées à évaluer les valeurs :
Il est faux de percevoir la culture comme quelque chose de fixe que seuls les RH devraient concevoir.
La culture d'entreprise n'est pas une maison bâtie par les RH; elle est construite par tout le monde - chaque décision et action façonne la culture d'une entreprise.
L'idée que la culture peut être manufacturée mène à des tactiques superficielles telles que des valeurs fondamentales générales, le recrutement en fonction d’une compatibilité culturelle et d’avantages qui perdent rapidement de leur lustre. Ces stratégies ne font que renforcer le cynisme des employés lorsqu'elles sont mal exécutées.
Cela dit, le rôle des RH n'est pas de bâtir la culture, mais de superviser son développement perpétuel. Ils doivent approuver les actions qui apportent des contributions positives et mettre fin aux actions nuisibles. En fin de compte, une culture forte et authentique ne peut s'épanouir que si elle est considérée comme une entité holistique que chacun est chargé de faire évoluer.